Comme chaque année à la période des vacances, des stages coûteux sont organisés pour ceux qui souhaitent rompre avec leurs excès numériques. Ils ont lieu dans des endroits merveilleux où chacun peut trouver un coach attentionné soucieux de son bien-être. Les clients se sentent à tout moment entourés, choyés, compris… de telle façon qu’il ne leur viendrait pas à l’idée d’aller compter leurs Like ou leurs Lol sur les réseaux sociaux même s’ils en avaient la possibilité !
Ces séjours sont en général plutôt réussis du point de vue de leur capacité de faire renouer les personnes qui y participent avec elles-mêmes. Mais la plupart du temps, quand leurs participants reviennent chez eux, la tentation est grande de reprendre les mauvaises habitudes (voir mon blog « Détox numérique » : halte à l’intox ! de juillet 2014). C’est bien compréhensible. La plupart des consommations excessives des technologies numériques sont liées à l’angoisse de ne se sentir exister pour personne, et donc de ne plus exister du tout. C’est pourquoi la seule manière efficace d’organiser autrement notre relation aux technologies numériques passe par la création de règles de vie commune, en famille et en collectivités. Essayons de résumer les règles d’hygiène de base d’un bien vivre ensemble avec les technologies numériques.
Des règles de vie familiale et collective
Conseil n°1
Prendre le repas du soir en famille sans télévision ni téléphone mobile… ni journal. De manière à faire de ce moment l’occasion d’échanges conviviaux. Et il est bien évident que ce conseil s’applique aux adultes autant qu’aux enfants, et même aux adultes avant les enfants pour ceux qui ont des très jeunes enfants qui ne sont pas encore en âge d’avoir le téléphone mobile. S’ils voient leurs parents décrocher le leur, il sera bien inutile, quand ils en auront un, de leur dire que les règles ont changé !
Conseil n°2
Débrancher le Wifi la nuit. On peut se mettre d’accord en famille sur l’heure à laquelle débrancher le fameux Wifi, mais cela évite la tentation de la dernière partie de jeu vidéo, ou de la consultation de quelques mails avant d’aller au lit… L’expérience montre que ces consultations absorbent toujours beaucoup plus de temps que prévu initialement.
Conseil n°3
Dresser le soir la table du petit déjeuner et exiger de chacun qu’il y dépose son téléphone mobile au moment où il va se coucher. C’est une manière de rappeler que la nuit est faite pour dormir. Il y aura bien sûr des tricheurs, mais créer une règle n’a jamais eu pour effet qu’elle ne soit pas transgressée. Elle est là pour rappeler que son respect est une condition souhaitable du bien vivre ensemble.
Conseil n°4
Mettre son téléphone sur vibreur en permanence et ne consulter ses messages que dans des tranches horaires spécifiques. Par exemple à la pause du déjeuner. Autrement dit ne jamais imposer à ses interlocuteurs le fait de prendre soudain une autre conversation. Non seulement c’est très humiliant pour l’interlocuteur, mais c’est en plus très fatiguant et morcelant pour celui qui se livre à cette gymnastique mentale bien inutile.
Conseil n°5
Eviter le plus possible, en entreprise, de mettre des mails en copies. En effet cette pratique qui relève de la création d’une sorte de parachute est ravageuse pour chacun des usagers qui se trouvent envahis d’un grand nombre de mails qui ne lui sont pas spécifiquement destinés. La tentation est grande de n’en lire plus aucun, ou de les lire de façon si superficielle qu’on risque de passer à côté de messages importants.
Conseil n°6
Se donner des moments dans la journée que certains appelleront de relaxation, et d’autres de méditation pleine conscience, pendant lesquels il est important de se rendre réceptifs, ouverts et sensibles à l’ensemble des stimulations sensorielles auxquelles notre corps est capable de se rendre sensible. Savoir se rendre sensible aux odeurs qui nous entourent, à la multiplicité des sons que nos oreilles peuvent capter, aux sensations intimes de notre corps comme l’air froid qui rentre dans nos bronches et l’air chaud qui en sort ou encore la consistance de notre salive… Percevoir la température de l’air sur notre corps, le fait que chacune de ses parties puisse avoir une température différente… Bref nous rendre sensibles à la fois à la beauté du monde et à notre harmonie intérieure.
Car les technologies numériques ne menacent pas seulement notre vie sociale. Elles font courir aussi un risque important à la relation indispensable et intime que nous avons chacun avec notre propre corps.
Mais en même temps, c’est notre vie sociale à chacun qui tient la clé des usages que nous faisons de ces technologies. Seul, nous ne pouvons qu’en être chacun toujours un peu plus victime. Ensemble, nous pouvons créer des règles de vie commune que nous respecterons d’autant mieux que nos proches nous les rappelleront, nous encourageront à les respecter et nous féliciteront d’y parvenir.