L’école face à la révolution numérique: privilégier la culture sur les outils (1) Axe 1 : informer dès l’école primaire

par | 14 avril 2012 | Adolescence, Blog, Nouveaux médias

Quand on pense à adapter l’école au numérique, c’est aussitôt l’équipement des institutions en technologies qui vient à l’esprit. Bien sûr, il faut l’envisager, mais sans oublier que c’est d’abord aux bouleversements culturels engendrés par le numérique que l’école doit s’adapter, et ceci dès le plus jeune âge. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », écrivait Rabelais. On pourrait le paraphraser en disant : « Outils numériques sans culture numérique n’est que ruine de l’éducation ». Tous les domaines sont en effet bouleversés : la construction de l’identité, les attentes vis à vis d’autrui, le rapport à l’espace, au temps, aux images et bien entendu les formes de l’apprentissage. Tous ces bouleversements contribuent à créer une nouvelle culture que les enfants adoptent très tôt et que l’institution scolaire doit assimiler si elle veut rencontrer leurs préoccupations et leurs souhaits. Les élèves ont évolué, les enseignants doivent le faire aussi. Autrement dit, la révolution numérique passe d’abord par la mise en place de pratiques pédagogiques qui prennent en compte cette nouvelle culture, et cela bien avant le collège.

En pratique, cela signifie trois choses : d’abord, il faut informer les enfants sur les dangers – et les bienfaits ! – des écrans dès l’école primaire ; ensuite, il est indispensable de prendre appui sur les nouvelles pratiques développées par le numérique pour repenser la pédagogie sans forcément introduire de nouveaux outils ; enfin, les enseignants doivent être formés à utiliser ces nouveaux outils de façon à développer avec eux tout ce que la culture du livre laisse de côté, afin de créer une complémentarité féconde entre culture du livre et culture des écrans.

Commençons par ce qui préoccupe aujourd’hui parents et pédagogues : la capacité des écrans à susciter des pratiques excessives et d’éloigner l’es enfants d’autres activités essentielles à leur âge. Cette inquiétude est fondée. Les écrans ont un fort pouvoir de captation de l’attention et même si la rêvasserie n’a pas attendu Internet pour exister, la « rêvasserie assistée par ordinateur » constitue une activité dont il est bien plus difficile de s’échapper.

Alors, comment favoriser les bonnes pratiques et s’opposer aux mauvaises ? Les parents ont évidemment un rôle éducatif majeur à jouer en cadrant le temps d’écran de leurs enfants et en s’intéressant aux activités qu’ils y déploient. Mais si les parents doivent cadrer et accompagner, l’école, elle, doit informer en donnant, dès l’école primaire, des repères théoriques et pratiques.

1. Tout d’abord, il est essentiel d’expliquer dès cet âge les modèles économiques et marketing d’Internet : jeux vidéo, Facebook, Google, Skype, Youtube, etc. Car il y aurait un grand risque à leur laisser croire que les services – bien réels- que nous rendent ces institutions sont sans contrepartie, autant dire « gratuits ». Nous ne les payons pas directement, certes, mais ils se paient, et fort bien, sur notre dos, notamment en termes de détournement de nos données personnelles !

2. Ensuite, les enfants doivent être invités à comprendre le fonctionnement de leur cerveau face aux écrans. C’est le but du Programme « Mon cerveau face aux écrans : un trésor à préserver » qu’un groupe de travail de l’Académie des Sciences est en train de concevoir, et qui sera lancé en septembre 2012 sur le modèle de « La Main à la pâte ».

3. Enfin, toutes les occasions doivent être saisies de rappeler aux enfants leur droit à l’intimité et leur droit à l’image, ainsi que les trois règles de base qui régissent Internet : tout ce qu’on y met peut tomber dans le domaine public, tout ce qu’on y met y restera éternellement, et tout ce qu’on y trouve est sujet à caution et ne doit pas être cru avant d’avoir été confronté à d’autres sources.