L’autoportrait

10 juillet 2011Ecrits

Voir sa propre image dans un miroir est toujours une expérience incroyable. “ Est-ce bien moi ? ” Avec la photographie est née l’illusion de pouvoir maîtriser cette surprise en fabriquant son propre reflet sur mesure ! Ça commence avec la mise en scène – qui va du choix du “ bon profil ” à toutes les astuces du déguisement – et ça continue avec la multiplication des clichés, le choix de l’un d’entre eux sur la planche contact, les astuces du tirage, voire les manipulations numériques. Hélas ! Nous ne nous voyons jamais tel que nous nous sentons être. “ Je ” est “ un autre ” toujours insaisissable.

Certains poursuivent, dramatiquement, anxieusement, cette quête. “ Miroir photographique, renvoie-moi un portrait où je me reconnaisse… ” D’autres jettent l’éponge et décident que leur pied, leurs fesses ou leur ombre les racontent mieux. L’homme n’a-t-il pas d’ailleurs d’abord laissé son image sous la forme d’une silhouette de main déclinée par un nuage de peinture soufflée ? D’autres, enfin, décident que puisque la photographie échoue toujours à les montrer tels qu’ils se sentent être, il ne leur reste plus qu’à utiliser ses pouvoirs pour tenter de se contempler tels qu’ils ont parfois envie de paraître. La mise en scène et le déguisement ne sont plus appelés à dire la vérité, mais à jouer avec les apparences pour aboutir à la création d’une image qui se donne à la fois dans la plus grande proximité avec le fantasme et avec toutes les apparences de la vérité. Mais n’est-ce pas justement le propre de l’image photographique ?

Les spectateurs que nous sommes, eux, voient parfois leur propre visage dans la vitre qui recouvre ces portraits. Cette illusion est un signe. Nous connaissons si peu notre visage que, parfois, nous regardons l’un d’entre eux comme si c’était le nôtre. Nous y interrompons quelques instants le flottement de notre image. Nous l’adoptons. L’autoportrait nous repose. Face à un visage qui fixe l’objectif, impossible de ne pas se dire que ce visage nous regarde. Impossible même, si nous le regardons assez longtemps, de ne pas nous sentir questionné par lui : “ Que me veut-il ? ” ou même “ Que sait-il de moi ? ”. L’autoportrait, lui, rassure. Ce regard, après tout, ne cherchait que lui-même. Ouf !