Alors que le confinement nous impose de rester à domicile et que nous luttons au quotidien contre le risque de passer trop de temps devant les écrans, cette situation est aussi une occasion unique de construire quelque chose de nouveau dans l’utilisation que nous en faisons, qui persistera après la fin de la pandémie.
Établissons un programme clair sur l’emploi du temps familial et personnel de chacun.
Il est essentiel de créer très vite de nouvelles habitudes qui permettent de concilier les temps de solitude de chacun, qu’ils soient consacrés au travail ou aux loisirs, et les temps partagés. L’être humain a en effet besoin de contacts, certes, mais il a aussi besoin de solitude. Pour qu’il y ait des moments de partage, il faut qu’il y ait des moments de repliement. Sans cela, l’humain a la sensation de ne pas être libre. De ce point de vue, l’usage du téléphone mobile est un signal qu’on envoie, en montrant qu’on ne veut pas être dérangé. Mais cela doit aussi valoir pour quelqu’un qui est plongé dans un livre ou qui a besoin de méditer. Sans ces moments de solitude, la cohabitation forcée peut devenir très compliquée.
Parlons à nos enfants en valorisant les conduites d’entraide et de solidarité.
Il y a des mots qui sont terribles. La guerre, que le président de la république a évoqué plusieurs fois dans son allocution du 16 mars, la catastrophe, la mort, la pénurie… Et il y a aussi dans les bulletins d’information des images angoissantes comme celle de personnages entièrement protégés par des combinaisons qui les font ressembler à de véritables scaphandriers, et aussi des images de supermarché pris d’assaut par des clients dans la panique. Même si nous empêchons nos jeunes enfants de voir cela, nous ne pouvons pas nous empêcher d’en parler et nous ne pouvons donc pas les empêcher de nous entendre prononcer ces mots. Alors, reprenons les choses avec eux, rassurons-les, insistons sur la façon dont nos élus cherchent à nous protéger, évoquons la construction d’un hôpital de campagne par l’armée en région Est, l’héroïsme des médecins, le dévouement des employés qui continuent à répondre à nos besoins essentiels en électricité ou en gaz, malgré les risques de contamination qu’ils courent. Bref, valorisons aussi souvent que possible auprès d’eux ce qui relève de l’entraide, de la solidarité et de l’empathie. Et profitons de toutes les occasions qui se présentent pour permettre à nos enfants d’avoir des gestes de solidarité, comme d’applaudir chaque soir à 20 heures nos équipes médicales.
Donnons la parole à nos enfants.
Il est toujours difficile de savoir comment un enfant vit un mot, une image, ou une remarque que nous voulons humoristique mais dont il ne comprend pas le double sens. Alors, n’envisageons pas seulement notre rôle de parent dans le sens d’expliciter à l’enfant ce que nous imaginons qu’il peut ne pas comprendre, ou comprendre de travers. Demandons-lui comment il comprend ce qui se passe, ce qui l’inquiète, invitons-le à imaginer ce qui pourrait se passer, et s’il est petit, n’hésitons pas à l’inviter à dessiner la manière dont il perçoit la situation. Inviter nos enfants à nous raconter leur expérience du monde, c’est aussi les inviter à développer leurs compétences narratives, leur imagination et leurs capacités de socialisation.
Résistons à la tentation de l’information en continue.
Dans une période aussi difficile, c’est une tentation forte pour chacun d’entre nous de nous informer en temps réel de l’évolution de la pandémie, du nombre de morts, de la découverte possible d’un vaccin, ou d’éventuelles mesures supplémentaires du contrôle des libertés destinées à lutter contre la dissémination du virus. Mais si certains espaces d’information en continue sont très bien faits, d’autres contiennent le risque de nous présenter l’information sans recul, d’une façon exagérément pessimiste ou optimiste, avec le risque de nous déprimer sur le moment où de nous faire courir le risque de nous déprimer plus tard si l’information positive se trouve finalement démentie. L’information en continue, qui n’est souvent pas contextualisée, risque de fatiguer nos capacités d’empathie et d’alimenter notre sentiment d’impuissance. Préférons- y l’information par les canaux officiels, les chaînes de télévision et les journaux papier. Regardons-les en famille et prenons le temps d’en parler avec nos enfants.
Établissons des règles explicites d’utilisation des écrans par chacun.
Il ne faut évidemment pas sous-estimer la difficulté qu’il va y avoir à gérer cette situation, mais il peut y en avoir des effets positifs. Cela va par exemple obliger les familles à établir des règles claires concernant leurs usages alors qu’elles ne l’avaient pas fait jusque-là. Ce passage de règles implicites à des règles explicites est une étape positive.
Établissons des distinctions claires entre écrans de travail, écrans de loisirs, écrans solitaires et écrans partagés.
Cette approche nouvelle va peut-être nous permettre de cesser de parler des écrans en termes uniquement quantitatifs pour les aborder enfin sous l’angle qualitatif. Avec les écrans, le plus important est moins le temps qu’on y passe que l’usage qu’on en fait.
Apprenons à utiliser nos écrans pour tout ce qu’ils peuvent offrir.
Alors que beaucoup de personnes se contentent habituellement d’utiliser les écrans pour regarder des séries ou utiliser les réseaux sociaux, pour décompresser à la fin d’une journée de travail, elles vont pouvoir découvrir qu’on peut les utiliser pour se balader dans un musée, voir des documentaires historiques, consulter des tutoriels pour s’initier au yoga, à la danse ou à la gymnastique ou pourquoi pas apprendre des langues étrangères. L’utilisation des écrans « par défaut » va être remise en cause par le fait que nous allons y avoir accès à tout moment de la journée. Et cette liberté de choix va justement nous permettre de réaliser que le problème n’est pas celui du temps d’écran, mais celui de la façon dont sont choisis les programmes et dont les enfants, en particulier, sont accompagnés dans leur visionnage.
Tous les écrans ne sont pas pour tous les âges.
S’il y a peu de pièces dans la maison, par exemple, cela doit rendre les parents beaucoup plus vigilants : si un ado a envie de regarder une série trash à 14h et que le petit dernier est aussi dans le salon, ce n’est pas le moment. Même si vous n’êtes pas inquiet du temps d’écran de vos enfants, vous ne pouvez pas ne pas être inquiets de ce qu’ils regardent.
Pas de téléphone mobile pendant les horaires scolaires.
C’est l’occasion ou jamais, pas encore fait, d’instituer les deux règles de base de l’utilisation du mobile en famille : ne jamais utiliser pendant les repas et ne jamais l’emmener dans sa chambre. Par ailleurs, il est important de respecter en famille ce qui existe déjà à l’école : lorsque l’on fait son travail scolaire, à l’école comme à la maison, on n’a pas son téléphone à portée de main. Et cela, il faut le faire tout de suite, sinon ça devient un avantage acquis sur lequel il sera très difficile de revenir.