L’école face à la révolution numérique: privilégier la culture sur les outils (2) Axe 2 : prendre appui sur les nouvelles pratiques pour re-motiver les élèves

par | 15 avril 2012 | Adolescence, Blog, Nouveaux médias

La culture numérique est en train d’imposer au moins sept changements majeurs : les enfants y apprennent de plus en plus tôt à jouer avec plusieurs identités, ils s’y familiarisent avec l’assistance réciproque (le tutorat), ils s’engagent dans la résolution collective des tâches, ils développent le goût de valoriser leurs expériences intimes afin de s’y affirmer, ils créent leurs propres images et en même temps une relation intime avec leurs machines, enfin cette culture est massivement celle du zapping. Chacune de ces particularités doit aujourd’hui être exploitée et valorisée par l’institution scolaire.

1. Des identités multiples

Les enfants habitués de plus en plus tôt à utiliser des pseudonymes et des masques – notamment dans les jeux vidéo – perçoivent le jeu avec des identités d’emprunt comme faisant partie intégrante de la vie. C’est donc tout naturellement qu’ils acceptent d’endosser des identités provisoires pour défendre des positionnements. C’est pourquoi il est essentiel d’encourager dés la maternelle les joutes verbales et les confrontations dans lesquelles deux élèves – ou deux groupes – argumentent deux points de vue opposés.

2. Un tutorat partout présent

Les jeunes découvrent dans les jeux en réseaux les vertus de l’entraide, de l’assistance mutuelle et du tutorat réciproque : celui qui aide un joueur dans un domaine peut dépendre de lui dans un autre. Cette nouvelle culture de la résolution des difficultés doit être relayée par les institutions pédagogiques en faisant alterner les travaux personnels des élèves et les explications que certains peuvent donner à d’autres, selon le modèle du tutorat. Et l’enseignant ne doit pas se sentir dévalorisé d’apprendre certaines choses de ses élèves : c’est au contraire s’il l’accepte que ceux-ci accepteront mieux d’apprendre de lui dans le domaine de ses compétences spécifiques.

3. Une résolution collective des tâches

Là encore, le modèle des jeux vidéo en réseau impose sa marque : les PNJ (ou « Personnage Non Jouables », autrement dit générés par le serveur) proposent des quêtes que les joueurs ne peuvent souvent résoudre qu’en s’y mettant à plusieurs. De la même façon, l’enseignant doit parfois fixer des objectifs à ses élèves et les laissant chercher les moyens d’y parvenir. A une tradition qui privilégiait le « travail personnel », il faut substituer l’innovation qui consiste à faire alterner les exercices réalisés seul et ceux qui sont réalisés en groupe.

4. Valoriser ses expériences intimes et s’affirmer (désir d’extimité)

Que l’on pense du bien ou du mal de Facebook, il est indéniable que cet espace a installé dans le paysage une tendance à affirmer d’abord ses centres d’intérêts pour se trouver ensuite des « amis » plutôt que le contraire. Cette culture est porteuse du désir de confrontation autant que de partage. J’ai proposé en 2001 de la désigner comme culture de l’extimité en insistant sur le rôle qu’y joue la prise de risque. Les nouvelles méthodes d’animation pédagogique doivent en tenir compte en valorisant partout le débat et la controverse.

5. Créer ses propres images

Les structures éducatives doivent, en lien avec les collectivités publiques, valoriser les productions d’images des jeunes et faciliter les échanges autour d’elles. Cette attitude est aujourd’hui un levier essentiel de la lutte contre le risque de fracture générationnelle. Les jeunes peuvent notamment participer à la construction du site Internet de leur établissement. Pourquoi le Ministère de l’éducation ne lancerait-t-il pas le slogan : « Une école, un site web, des jeunes créateurs » ?

6. Avoir une relation intime avec les machines

Quel que soit les efforts financiers consentis par les institutions, le matériel qu’elles achètent est malheureusement condamné à être rapidement obsolète. En revanche, les outils numériques que les élèves ont dans leur poche appartiendront toujours à la dernière génération ! C’est donc avec eux qu’il faut apprendre à travailler, avec les iPod, téléphone mobile et autres consoles de jeu. Cette pratique innovante – qu’on peut désigner comme « colonisation positive des usages » – évite d’acheter du matériel rapidement démodé, ou dont personne ne sait se servir. Dans certains établissements, les TBI, ou Tableaux Blancs Interactifs, sont surnommés « Tableaux Blancs Inutiles »

7. Une culture du zapping

On parle souvent aujourd’hui des difficultés de concentration des adolescents. Il n’est pas certain qu’elle soit plus importante que par le passé, mais la différence est que les élèves qui décrochent ne se contentent plus de « bailler aux corneilles » ou de « regarder les mouches voler ». Ils sortent leur téléphone mobile, parlent à leurs voisins, demandent à sortir… Les décrochages d’attention sont à nu.

L’enseignant est donc condamné à relancer sans cesse l’attention de ses élèves. Il peut le faire en construisant son cours de façon non linéaire. Par exemple en utilisant une extrait de jeu vidéo pour lancer une question ou un problème, en faisant un rapide sondage dans sa classe sur l’état des connaissances, en demandant à deux élèves qui semblent chacun avoir un point de vue différent de le défendre, etc.