Les consommateurs, dont les lecteurs de livre psy font partie, veulent aujourd’hui moins de démonstration et plus d’émotions. Mais si seuls étaient publiés les psychiatres sachant écrire de cette façon, la machine à produire du livre psy serait vite enrayée ! Alors cette machine a inventé le psychiatre écrivain qui n’écrit pas.
Beaucoup de journalistes sont capables aujourd’hui d’écrire d’excellents livres de psy destinés à un large public : il suffit de réécrire la littérature existante ! Mais le lecteur veut avoir affaire à un auteur, et c’est encore mieux s’il peut imaginer son style de vie. Le journaliste couplé à un psychiatre est chargé de réaliser cette mise en scène, qui est aussi une sorte de « mise en vie » d’un auteur virtuel.
Quatre à cinq interviews du psy – voire un week-end dans un hôtel de luxe avec son « nègre » – sont sa seule contribution au livre qui portera son nom. Pour le journaliste chargé de l’écriture – ou plutôt la journaliste, car la profession est plutôt féminine -, c’est une année de travail. Quelques éditeurs font apparaître son nom – pas tous -, mais parfois si petit qu’il faut être initié pour le repérer.
Pour les domaines qu’il n’a pas voulu ou pas pu aborder, la journaliste va chercher les informations chez d’autres auteurs et les ramène sous la plume du psy virtuel. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas faire un ouvrage collectif, me direz-vous ? Parce que cela ne se vend pas, tous les éditeurs vous le diront !
Parfois, la même situation se reproduit avec la presse. Le livre est écrit d’une façon qui séduit les journalistes – et pour cause puisqu’il est écrit par l’un d’entre eux –, la rédaction d’un hebdomadaire demande un article, un journaliste s’y colle. Mais voilà. Le psy maîtrise mal le livre qu’il est censé avoir écrit, il se contente d’anecdotes, ou bien parle d’autre chose… Et que croyez-vous qu’il advienne ? Le plus souvent, le journaliste se sent coupable de n’avoir pas su mener l’interview… et écrit lui-même le papier en s’inspirant du livre ! Le psychiatre qui n’a pas écrit devient ainsi un interviewé qui n’a pas répondu.
Faudra-t-il créer un label « écrit par l’auteur » comme une sorte d’appellation contrôlée ?