La rencontre explosive de mon intimité avec celle du monde

par | 3 juin 2011 | Actualités, Blog, Nouveaux médias

Les révolutions dans les pays arabes, les catastrophes au Japon, et maintenant le procès DSK., sont autant d’événements qui nous ont bouleversés dans un laps de temps très court. A tel point que nous pouvons nous demander : le monde va-t-il plus vite qu’avant ? Est il devenu plus imprévisible et spectaculaire ? Probablement pas, mais le fait est qu’il nous parvient différemment. D’abord, la miniaturisation des instruments de capture d’images nous confronte de plus en plus à l’intimité des protagonistes des divers drames de la planète. Et, parallèlement, l’omniprésence de nos récepteurs nous amène de plus en plus à découvrir le monde dans des situations d’intimité : dans notre salle de bains, à notre petit déjeuner, dans notre voiture ou encore dans les transports en commun grâce à notre téléphone mobile. La rencontre de ces deux intimités, celle du monde et la nôtre, est explosive, et elle l’est d’autant plus qu’elle touche des citoyens fragilisés par leur propre précarité affective ou professionnelle.

Dans un premier temps, bien sûr, le débordement émotionnel nous guette. Mais très vite, c’est bien plutôt le retrait que nous installons pour tenter de nous protéger. En effet, l’empathie n’a pas qu’une dimension affective qui consiste à nous rendre sensible à la souffrance d’autrui. Elle a aussi une dimension cognitive qui consiste à comprendre comment des expériences différentes du monde peuvent organiser autrement le monde intérieur de l’autre, et une dimension comportementale qui consiste à pouvoir agir pour transformer la situation.

Aujourd’hui, la façon dont l’intimité du monde fait en permanence effraction dans notre propre intimité peut finir par épuiser l’affectivité, émousser l’empathie et aboutir à une forme de retrait émotionnel. Du coup, l’envahissement par les médias aurait l’effet exactement opposé à celui dont on aurait pu rêver : au lieu de nous rendre plus sensible au monde, il favoriserait notre repli sur nous-mêmes ou le petit groupe de nos proches. C’est ce mouvement qui semble malheureusement se préciser : dans l’Europe entière et aussi dans d’autres pays, on assiste à un repli sur des valeurs « nationales, » et à des discours ouvertement xénophobes. Un peu d’informations développe l’empathie pour le monde, un excès d’informations ne finirait-il pas par la détruire ?