Quelle loi pour responsabiliser les parents sur le droit à l’image de leurs enfants ?

par | 6 février 2023 | Actualités, Adolescence, Blog, Droits, Images, Jeune enfant

La proposition de loi n° 758 de Mr Bruno Studer, député du groupe « Renaissance », vise à garantir le respect du droit à l’image des enfants. Elle témoigne d’une prise de conscience salutaire du politique quant à la nécessité de responsabiliser les parents dans ce domaine, et sera étudiée dans l’Hémicycle début mars. Son article premier vise à introduire la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale ; son article deux précise que l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur est exercé en commun par les deux parents ; et son article trois explicite les mesures que peut prendre le juge en cas de désaccord entre les parents dans l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur.

Pourtant, bien que cette proposition de loi soit inspirée par d’excellents principes, elle est gravement insuffisante à établir un droit à l’image et à la vie privée pour l’enfant, pour au moins trois raisons.

Mon corps m’appartient, et mon image ?

Tout d’abord, cette proposition de loi articule le droit à l’image au droit à l’intimité. Or celui-ci concerne le corps. Il est donc essentiel de partir de l’idée que le droit à l’image concerne lui aussi le corps. C’est d’ailleurs assez évident si on prend en compte le fait qu’une atteinte à mon image est facilement perçue comme une atteinte à mon propre corps. Voir quelqu’un cracher sur une photographie qui me représente est vécue à juste titre comme une attaque contre mon corps, même si je sais bien qu’une photographie n’est qu’une représentation de mon apparence. Mais telle est la force des images.  La conviction intellectuelle qu’elles ne sont que des représentations y est constamment contrebalancée par la conviction intime qu’elles contiennent un peu de nous-mêmes et participent à notre identité. C’est pourquoi le droit à l’intimité doit être pensé sur le modèle de la formule devenue célèbre : « mon corps m’appartient ». Autrement dit, de la même façon que les éducateurs et les pédagogues sont aujourd’hui encouragés à dire à l’enfant que son corps lui appartient et que toute atteinte non souhaitée à celui-ci justifie sa protestation et sa dénonciation, toute atteinte à son image obéit à la même logique. Il paraît donc essentiel d’institutionnaliser auprès des enfants une éducation au droit à l’image au même titre que l’éducation au droit de disposer de son corps.

A 6 ans et à 14 ans, on n’a pas le même rapport à son image

Le second problème posé par cette proposition de loi est que tous les mineurs y sont considérés de la même façon. Or, à partir de 13 ans, un enfant a le droit de demander l’ouverture d’un dossier médical personnel, de se choisir un médecin traitant, et même d’avoir des relations sexuelles avec une personne dont la différence d’âge avec lui est inférieure à cinq ans. Compte tenu de ces droits reconnus à l’enfant à partir de 13 ans, comment envisager de confier la responsabilité de son image à ses parents ? C’est pourquoi toute proposition de loi sur le droit à l’image doit introduire une distinction entre les mineurs de moins de 13 ans et ceux âgés de plus de 13 ans.

L’enfant dont l’image est exploitée n’a pas forcément un autre parent à qui s’en plaindre

Enfin, la troisième question posée par ce texte de loi concerne les possibilités de recours des enfants contre les abus que leurs parents pourraient faire de leur image. Or, dans la proposition de loi évoquée, le seul recours possible d’un enfant mineur réside dans l’existence d’un désaccord entre les parents, qui peut alors être porté devant le juge. Mais n’oublions pas qu’il existe beaucoup d’enfants confrontés à un seul parent, soit parce qu’ils sont nés de mères célibataires, soit parce que le père a disparu, soit parce qu’il est indifférent à l’éducation de l’enfant. L’enfant n’a alors qu’un seul interlocuteur, et si celui-ci abuse de son droit à l’image, aucun recours. C’est pourquoi il serait essentiel de prendre en compte l’existence possible d’interlocuteurs pour l’enfant comme les psychologues scolaires, les assistantes sociales, et pourquoi pas l’extension du numéro vert au sentiment que peuvent avoir certains enfants que leurs parents abusent de leur image.

Il n’en reste pas moins que cette proposition de loi permet de transformer en problème public une question qui avait toujours été jusque-là supposée résolu dans le secret du fonctionnement familial. Mais encore faudrait-il donner aux enfant victimes d’abus sur leur image les moyens de pouvoir s’en plaindre.