On désigne sous cet acronyme les cours massivement en ligne ouverts à tous, autrement dit des cours faits par des spécialistes de diverses disciplines et accessibles d’un clic pour tous ceux qui désirent les consulter. Ils correspondent totalement à la logique d’Internet qui est de rendre disponible au plus grand nombre des informations de qualité susceptibles de répondre à leurs questions, de satisfaire leur curiosité, mais aussi de participer à la formation initiale et/ou à la formation continue. Mais les MOOCs recèlent tout autant le danger de situer l’enseignement dans une dimension pyramidale totalement en contradiction avec le partage entre pairs et la diffusion horizontale des connaissances qui caractérise Internet:
Pour des cours participatifs : classe inverse et goût de la controverse
Au moment où les MOOCs arrivent en France et nous promettent de renouveler le système d’enseignement traditionnel, il est donc important de veiller à la constitution de pare-feu évitant qu’ils réintroduisent ce que le meilleur d’Internet a contribué à chasser, une relation verticale aux savoirs et à la connaissance. Pour cela, la mise en place des MOOCs doit d’abord s’accompagner du souci de développer la classe inverse et le goût de la controverse. Rappelons que sous l’expression d’éducation inverse, on désigne la possibilité pour les élèves de prendre connaissance de la matière qui sera traitée par l’enseignant avant le cours de manière à ce que celui-ci soit un lieu de questions et d’échanges. Quant au débat et à la controverse, ils contribuent à créer ces échanges entre les élèves eux-mêmes. De ce point de vue, la possibilité pour les élèves d’interagir entre eux sur des forums est évidemment un espoir important. Mais n’attendons pas tout d’Internet : le goût du débat et de la controverse, tout comme la classe inverse, doivent être développés dès aujourd’hui sans attendre les MOOCs.
Des cours multimédia
Par ailleurs, le développement de ceux ci modifiera l’attention que les enseignants portent à leur propre manière de faire un cours. Ceux du supérieur ont toujours refusé que leur qualité pédagogique soit estimée et validée. Avec les MOOCs, ce sont les internautes qui le feront et le nombre de leur clic en attestera. Enfin, les MOOCs s’accompagneront inévitablement d’une autre série d’évolutions : aujourd’hui, l’information ne passe plus seulement par les mots mais par de nombreux autres canaux : images, mises en scène… les MOOCs de l’avenir intégreront toutes les possibilités qu’offrent aujourd’hui les logiciels de traitement d’images, avec le cinéma, la vidéo, la bande dessinée, le roman photos, l’animation…
A qui profiteront les MOOCs ?
Mais n’oublions pas que suivre un cours nécessite d’en comprendre les articulations logiques, et que cela reste vrai même s’il est diffusé sur Internet et enrichi de vidéos et de propositions d’interaction. Autrement dit, les élèves – ou les internautes – qui seront capables d’en tirer le meilleur parti seront bien probablement ceux qui auront acquis de solides repères narratifs, et qui auront intériorisé les articulations logiques qu’organisent en français les fameuses conjonctions de coordination « mais où et donc or ni car ».
Or ces repères ne tombent pas du ciel. Ils s’organisent chez l’enfant en relation avec les histoires qu’on lui raconte, puis qu’il se raconte. Et ce développement n’a rien à faire des écrans, dans lesquels il n’y a souvent ni passé ni futur, mais seulement un éternel et fascinant présent. Avec le risque de voir l’enfant développer des habitudes interactives stéréotypées – on ne parle plus d’addiction – qui l’attachent à la fois aux écrans et à des façons de penser d’autant plus dénués de logique narrative que la plupart des activités d’écran proposées aux enfants n’en contiennent aucune.
Sachons alors rappeler qu’il y a un âge pour introduire les diverses formes d’écrans exactement comme il y en a un pour introduire les diverses formes de nourriture dans la vie d’un enfant. C’est le but de la règle « 3-6-9-12 » calée sur des âges charnière du développement. Notre profession est en première ligne pour initier les parents à la diététique des écrans. Ne perdons pas une occasion d’assumer ce rôle. Sinon, MOOCs ou pas, nos enfants risquent bien d’avoir de la difficulté à utiliser les liens logiques indispensables à l’articulation des connaissances.