Certains de mes autoportraits sont volontaires : j’ai eu envie de me photographier, parce que j’étais seul, comme une manière de jouer avec ma solitude. Mais il m’arrive aussi de me découvrir sur un tirage, alors que je n’avais absolument pas pensé être sur l’image au moment où je la faisais. Ce sont incontestablement les autoportraits que je préfère.
C’est en banlieue que j’ai vu les plus beaux levers de soleil. Ils ne peuvent pas faire oublier que la vie y est parfois difficile. Mais avoir la possibilité d’accompagner la beauté du monde au petit matin est une consolation à portée de main…
Quand j’étais enfant, je vivais avec ma famille au sixième étage d’un immeuble ancien qui dominait un quartier de maisonnettes et de vieilles usines. Lorsque je me mettais sur le balcon, j’avais l’impression de me trouver au bord du vide. En été, les hirondelles me semblaient s’élancer vers moi avant de s’élever, verticalement, à quelques mètres seulement de l’endroit où je me trouvais. « De ma fenêtre », c’est à la fois ce sentiment d’une ouverture sur le vide, et en même temps les jeux infinis des reflets. Dedans ou dehors ? Dehors ou dedans ? Il est bien difficile de savoir quels objets sont d’un côté ou de l’autre de la fenêtre. Une autre manière d’être aspiré par le vide ?
Que celui qui n’a jamais pris d’image en Italie me jette la première pierre. Ce pays semble avoir été fait pour les photographes. La difficulté principale est d’essayer de faire d’autres images que celles des guides touristiques. Ce n’est pas facile…
Nous ne sommes « en train » que lorsqu’il roule. Quand il est à l’arrêt, nous sommes « en attente ». Le train est synonyme de mouvement. Et, comme de ma fenêtre, les vitres qui séparent de l’extérieur sont l’objet d’innombrables jeux de miroir… et de réflexion.
Les voyages professionnels côtoient les voyages dits d’agrément… L’important est de se laisser surprendre. D’où l’idée d’aller toujours là où on n’a jamais mis les pieds… Ou de retourner là où la mémoire peine à retrouver le souvenir de ce qu’on y a vu.
A la fin de l’année 1994, le photographe Bernard Plossu m’a procuré un instamatic. L’instamatic, ce n’était pas encore le téléphone mobile, mais un peu son précurseur en photographie : entièrement en plastique, léger, facilement remplaçable, c’était déjà la possibilité de photographier partout. Mais c’était aussi la possibilité de découvrir des images improbables où les capacités limitées de l’appareil se mêlaient inextricablement au sujet photographié. L’instamatic a une vie propre, sa technologie rudimentaire impose son point de vue, bref on ne sait jamais ce qui va en sortir ! Je l’ai utilisé jusqu’à la fin de l’année 1995, date à laquelle il s’enraya. Une année de passion.
La Ciotat, c’est Marie, et Marie, c’est La Ciotat. L’histoire d’une rencontre.
Aujourd’hui, Marie n’existe plus seulement à La Ciotat et je la vois parfois à ma fenêtre.
La bouche de Marie est la première photographie que j’ai faite d’elle, une heure après l’avoir rencontrée. On dirait qu’elle dit « chut », alors contentons-nous de regarder…
Comme beaucoup de parisiens, j’ai longtemps été un conducteur excessif. Je prenais souvent ma voiture et comme je m’ennuyais au volant, je photographiais. Lorsque je me suis mis à utiliser mes jambes, j’ai continué à photographier en me déplaçant. En vélo, c’est plus difficile… J’utilisais un minox. Il s’est enrayé après quelques années. Je suis passé au numérique, mais c’est une autre histoire.