2016 se termine, 2017 commence. Quel sera le mot de la nouvelle année ? En 2016, ce fut l’empathie. Rien d’étonnant : en cette époque où nous avons besoin d’espérer, il résonne avec l’optimisme et l’altruisme, voire avec l’amour. Certains affirment même que nous entrerions dans le siècle de l’empathie ! Mais c’est une utilisation toute idéologique du terme ! Car l’empathie n’est pas seulement une forme de résonance affective avec autrui qui conduirait à la compassion et la solidarité. Elle est aussi une faculté cognitive, et à ce titre, elle constitue un formidable outil de manipulation. La preuve ? La campagne électorale de Trump a été une parfaite illustration de ce que l’empathie peut produire de plus efficace en termes de manipulations.
Le levier de la compassion
Quand on évoque la place de l’empathie dans les stratégies de manipulation, le modèle qui vient est celui de l’exploitation de notre compassion pour la souffrance de nos semblables. Son aspect le plus connu consiste à enflammer notre compassion, puis à nous en indiquer le mode d’emploi. La capacité qu’a l’être humain d’éprouver de l’empathie a ainsi toujours été mise à profit. Mais l’empathie n’a pas seulement ce versant affectif qui nous amène à entrer en résonnance avec les émotions d’autrui, au risque d’être manipulé. Elle a aussi un versant cognitif qui nous permet de comprendre ses pensées et ses aspirations. Or certaines personnes bénéficient d’une compréhension empathique aiguisée de leurs interlocuteurs, de telle façon qu’elles parviennent à leur faire croire qu’elles partagent leurs espoirs et leurs inquiétudes. Elles ne cherchent pas à faire vibrer notre sensibilité en nous apitoyant sur la souffrance d’un tiers, pour la détourner ensuite à leur profit. Elles créent l’illusion qu’elles sont « comme nous » en formulant ce que nous ressentons parfois mieux que nous-mêmes, ce qui n’est bien entendu qu’un préalable à la manipulation. C’est exactement ce qu’a fait Trump.
« Je suis comme vous »
Qu’a dit le candidat Donald Trump ? Tout ce que la classe moyenne et ouvrière blanche attendait. Il a clairement parlé de leur douleur. Il les a aidés à restaurer leur sentiment d’appartenance en les positionnant contre les autres catégories de laissés pour compte, principalement les migrants et les habitants des pays en voie de développement. Il a su les convaincre que non seulement il ressentait leur douleur, mais qu’il la partageait, et qu’en fin de compte, il allait les aider. Il a même su faire croire qu’il était « comme eux » en adoptant en permanence le ton de la protestation et de l’insulte, c’est-à-dire sur le ton que prennent les gens qui se sentent humiliés et écrasés quand ils parviennent finalement à protester et que leurs propos dépassent parfois leur pensée. Il a séduit l’électorat populaire par son indignation permanente, ses « coups de gueule » de victime qui se rebelle, sa façon de laisser entendre derrière chacune de ses phrases : « Vous ne me ferez plus taire. »
Mais, dans les semaines qui ont suivi son élection, le président Trump a dit qu’il ne se souvenait pas avoir promis ce que pourtant tout le monde avait entendu, il a réduit à la baisse certains de ses engagements et a reconnu avoir manqué de réflexion pour d’autres. Et il a commencé à mettre en place une politique destinée à profiter aux plus riches. D’ailleurs, la bourse s’est envolée !
La duplicité du démagogue empathique
Trump n’a eu aucun autre objectif pendant sa campagne que de se faire élire, et il a compris qu’il valait mieux pour cela dénoncer sans relâche les élites et les institutions par lesquelles la plupart des citoyens se sentent incompris, que hasarder un programme qui réunirait sur son nom bien moins de voix. Donald Trump n’a pas rencontré ses électeurs parce qu’il était en résonance avec eux, comme ceux-ci l’ont cru, mais parce qu’il a su en créer l’illusion. Il a eu la capacité de percevoir formidablement l’état émotionnel de la classe moyenne et ouvrière blanche, et il est parvenu remarquablement à y coller. Bien sûr, c’est de la démagogie, mais une forme de démagogie bien particulière. Certains politiques entrent en résonance avec une large partie de la société en croyant ce qu’ils disent, et ce fut probablement le cas de Hitler, mais d’autres parviennent à dire ce qu’un grand nombre de gens ressentent… sans en croire eux-mêmes le moindre mot, et ce pourrait bien être le cas de Trump.
Sa capacité de nuisance ne fait que commencer, n’en doutons pas. Apprenons au moins à ne pas minimiser son intelligence manipulatoire.