Cette série visible sur Netflix, dans laquelle des adultes jouent à des jeux d’enfants, mais où chaque échec est sanctionné par la mort, a déjà cumulé 142 millions de spectateurs en moins de deux mois. Elle est bien évidemment classifiée 16+. Mais nos enfants n’ont pas besoin de l’avoir regardée pour en être informés.
Tout d’abord, il y a la bande annonce, accessible à tous sur You tube. Il y a également les enfants qui en ont entendu parler par un camarade. Et quand un enfant raconte à un autre une séquence qui l’a terrifié, il n’apporte pas seulement une information sur la séquence, il apporte aussi des charges émotionnelles considérables qui peut faire imaginer à l’enfant qui les reçoit quelque chose de bien pire que ce qui lui est raconté.
Je conseille donc d’abord vivement aux parents d’enfants scolarisés, quel que soit leur âge, de regarder cette série, ou au moins, sa bande-annonce. Mais sans oublier que celle-ci est bien plus éprouvante que ce que l’on voit dans la série car elle confronte brutalement à des images auxquelles il est impossible de se préparer. Puis utilisez cette série pour avoir des conversations familiales.
D’abord, si vos enfants sont jeunes, parlez avec eux de la façon dont ils ont entendu parler de Squid Game. Est-ce à l’école ? Certains de leurs camarades l’ont-ils regardée ? Participent-ils dans la cour de récréation à des jeux qui en sont inspirés ? En ont-ils vu la bande annonce sur YouTube ? Et si votre enfant joue à ce jeu, quelle place y occupe-t-il, celle de la victime, de l’agresseur, ou d’un simple témoin, voire d’un sauveteur ? Et quelle place aimerait-il y occuper ? Aimerait-il y jouer autrement ?
Écoute-le, répondez à ses questions éventuelles. Vous pouvez aussi, tout en parlant avec lui, faire des gâteaux au sucre, dont il a très probablement entendu parler, et essayer d’en détourer une figure centrale sans la casser. Puis posez-lui cette question : qu’est-ce qui pousse à son avis des gens normaux à s’engager dans de telles activités ? Sont-ils enlevés de force ? Sont-ils menacés ? En effet oui, mais pas par les organisateurs du jeu. Tous les joueurs de Squid Game sont en effet endettés de façon tragique. Ils risquent de finir leur vie en prison, de laisser leurs enfants ou leurs parents sans ressources, et certains risquent même de trouver la mort s’ils ne rassemblent pas rapidement une somme d’argent suffisante. Autrement dit, cette série met en scène des exclus de la société prêts à mourir pour pouvoir continuer à vivre, ou permettre à leurs proches de le faire.
Si vos enfants sont déjà adolescents, vous pouvez pousser l’échange un peu plus loin. Expliquez-leur que ce combat à mort dans lequel seul le plus fort ou le plus rusé parvient à survivre, et où toutes les façons d’éliminer les concurrents se valent, y compris de leur mentir pour les faire échouer, représente un peu aujourd’hui la situation de la société sud-coréenne. Dans Squid Game, tous les citoyens ont en principe les mêmes chances de gagner, et la règle de base de la démocratie y est respectée : si une majorité de participants vote pour l’arrêt du jeu, chacun des survivants est renvoyé chez lui. Mais la situation sociale est telle que les participants qui ont voté pour arrêter le jeu y reviennent finalement. Et on découvre que les milliardaires qui poussent des malheureux endettés à s’entretuer pour leur seul divertissement construisent justement leur fortune sur la dérégulation du crédit : une loi leur permet de prêter sans limite aux plus pauvres obligés d’emprunter chaque jour pour continuer à subvenir à leurs besoins élémentaires, jusqu’à contacter des dettes abyssales qu’ils ne peuvent plus rembourser.
Mais si vous regardez la série jusqu’au bout, vous y découvrirez aussi que quelles que soient les situations inhumaines auxquelles sont confrontés des êtres humains, il leur est toujours possible d’y réagir de façon humaine. Et de cela aussi, il faut parler à nos enfants.